Bodies The exhibition

C'est dans l'Evening Standard, quotidien anglais puis en écoutant le commentaire d'1 collègue que j'ai entendu parler de cette Exposition incroyable à vocation  pédagogique et artistique sur de vrais corps humains. Bouh, de quoi donner la chair de poule! Ma 1 ère réaction fut l'indignation, comment peut-on exhiber comme ça en public de vrais défunts? J'ai mis ça sur le compte de la folie-bizarrerie de ces chers anglais puis ça m'a rapellé cette émission britannique qui nous faisait assister à la dissection en direct par un grand fou de chirurgien d'un vrai corps humain. Anyway! Ce qui était certain c'est que je n'envisageais  pas  d'assister à cet événement, faute d'informations.

Puis comme ce qui arrive quand on ressent cette attirance pour l'inconnu, le bizarre, le hors-norme puis en revoyant les affiches la semaine suivante, je me suis de plus en plus intriguée pour cette expo et me suis mis en tête: "un truc pareil, ça ne se voit qu'une fois dans une vie, il faut que j'aille voir ces Bodies!"

En route (ou plutôt en sous-terrain du métro) donc pour Earl's Court (West London) où j'ai embrigadé ma colloc après l'avoir convaincue de la dimension insolite de l'événement. C'est après avoir payé nos 16,50 livres (25 euros) puis attendu 35 minutes (accès à l'exposition par groupe, pour limiter les attroupements en masse et  permettre à chacun une meilleure visibilité) que nous avons pénétré ce monde étrange.

Après lecture de panneaux informatifs relatifs à la bio du corps humain (1 très étonnant et douteux annonce que les droitiers vivent en moyenne 9 ans de plus que les gauchers, incroyable! ?) immersion dans le monde des morts. L'expo est organisée en thèmes répartis dans plusieurs pièces pour montrer tout d'abord sous vitres quelques organes et une peau entière d'un corps avant de pénétrer dans la seconde pièce abritant les 1er corps entiers.

Le 1er groupement montre 2 hommes qui se tiennent la main, l'1 avec sa seule armature squeletique puis l'autre avec ses os muscles et tendons. Un travail de titan! Pour ce 2ème il a fallu minutieusement ôter la peau, les organes vitaux internes, les vaisseaux sanguins, veines et artères en veillant à ne pas endommager le reste. Le visage est aussi étonnant: dépeaucé partout sauf au niveau des arcades sourcilières pour y laisser justement les poils ( les lèvres ont alors plus de volume mais moins de tenue), la bouche reste ouverte ce qui donne à cette physionomie une allure excusez-moi l'expression "d'attardé mental". Dans l'ensemble tous ces visages sont laids et inquiétants (et c'est pourtant à ça que l'on ressemblerait si la science s'emparait de nous ) mais fascinants.

Plus loin, d'autres corps avec des postures de sportif. Ces corps figés dans un mouvement donné avec  différents ballons, disques ou fléchettes confèrent à cette expo son côté artistique en faisant se côtoyer la biologie et la fantaisie. Grâce au silicone qui a remplacé les fluides corporels (eau, sang, graisse) ces corps aux membres devenus maléables ont pu adopté la posture du grec qui s'apprête à lancer son disque, ou du footballeur qui tel un Zizou pour une pub nike pose la plante du pied sur le ballon. Il y a même le penseur de Rodin.

D'autres bodies présentent les organes internes comme le système digestif, tout cela étant aussi conservé grâce à la plastination (processus de conservation qui remplace par des polymères en plastique et silicone les fluides corporels). Plus loin présentation d'un corps avec le cerveau puis du système respiratoire avec à côté l'exposition de poumons malades du cancer et complètement noircis par le tabac de quoi faire réfléchir les fumeurs d'où la disposition à proximité d'une grande urne transparente dans laquelle certains courageux (5-6 seulement) ont jeté  leur dernier paquet de cigarettes (reste à savoir si les paquets étaient vides!?).

La pièce relative à la circulation sanguine est d'une beauté incroyable. On réalise alors que nos artères ressemblent à des fils presqu'aussi fins que ceux d' une toile d'araignée et leur texture semble aussi douce et fibreuse que de la fine laine ou que le cocon d'un papillon. Vous n'avez pas idée à quel point le rouge de nos artères est magnifique. C'est le rouge du coucher de soleil-carte postale, ce rouge vif presque fluorescent extrêmement lumineux. Le bleu de nos veines est lui aussi étonnant, ce n'est pas celui que l'on croit percevoir sur nos poignets comme un bleu-gris qui aurait été trop dilué dans l'eau. Notre peau ne nous permet pas de percevoir ce bleu clair unique entre le bleu gris et le bleu turquoise. Quant au coeur il abrite ces mêmes incroyables couleurs avec en plus du jaune paille fluorescent (j'ai manqué à mon devoir et n'ai pas fait attention à quoi ça correspondait). Puis toujours dans cette même pièce, sous vitre la composition des artères d'un corps, dans son entier. C'est surtout devant lui qu'on réalise la somme de travail, de patience et d'agilité qu'il a fallu pour ne laisser à cet individu que sa structure artérielle soit ce qu'il y a de plus délicat et fragile en lui.

Quant à l'exposition du corps féminin, on retiendra que la structure interne du sein ressemble un peu à des alvéoles irrégulières de couleur blancheâtre. Puis arrive la séquence émotion de l'exposition dont la pièce est précédée d'un panneau avertissant qu'une pause doit être marquée et que certaines personnes n'ont peut-être pas leur place içi puisqu'on y montre des foetus, issus de grossesses à complication.

Au centre plusieurs embryons de 2, 4, 5, 6, 7 et 8 semaines. C'est vraiment touchant de constater que si minuscules ces petits êtres ont déjà leurs petites mains et presque tout d'un être humain à cette différence près qu'ils ne grandiront plus, ce qui ajoute à la fascination, l'émotion, qui à côté se fait plus grande à la découverte de  2 foetus de 30 et 32 semaines.

Pour finir je dirais que c'était une expérience inouie que je suis heureuse d'avoir faite et qu'encore une fois je réalise que nous sommes tous identiques dans notre corps qui fonctionne savamment de la même manière. Il ne fait aucun doute que notre body qu'il soit sous une peau noire ou blanche, avec une masse de 50 ou 100 kilos est vraiment ingénieux . Ces 22 corps d' hommes ou de femmes sont quasiment des copies les unes des autres et de ce fait la seule inquiétude que l'on devrait avoir à l'égard de notre corps n'est pas sa forme, son poids, son apparence extérieure en général mais bien sa capacité à nous maintenir en forme et en vie le plus longtemps possible.

Il reste cependant certain que le noeud dans l'estomac ne m'a pas quitté de toute l'exposition, que de se voir ainsi tels des morceaux de viande ne nous met pas vraiment à l'aise. Par ailleurs il m'est arrivé de sentir de vagues odeurs suspectes de chair et d'hopital mais il se peut que mon odorat ait voulu me jouer des tours et que m'imaginant visuellement des produits carnés mon nez  ait perçu ces corps et organes de la même manière. J'ajouterais aussi que l'idée de cette exposition qui a en fait germé dans 1 cerveau américain (le groupe Premier Exhibition Inc a versé des millions de dollars pour mettre la main sur ces spécimens de l'école médicale de Dalian-Chine) et non anglais (ce que je pensais au début!) est certes brillante mais qu'elle soulève bien des questionnements. Comment se positionner dans le conflit entre  Science, Art,  profit et Ethique?

Je viens juste de lire quelques articles précisant qu'aucune licence n'a été délivrée pour l'utilisation de ces corps, qu'il s'agit soi-disant de corps non réclamés, non identifiés provenant de prison ou pire de camps de concentration. Il paraîtrait même que ces corps et organes d'après l'avis d' associations voulant boycotter l'expo seraient le fruit de massacres à but lucratif (vente à l'école médicale), que la femme exposée est la mère du foetus de 32 semaines et qu'elle aurait été tuée dans les mêmes conditions. Beaucoup de personnes s'indignent et clament que cette expo va à l'encontre du respect des droits de l'homme mais il est impossible de savoir si ces humains ont servi à la science de façon douteuse et condamnable ou en parfaite légalité.